La nouvelle guerre sino-americaine redistribue les cartes géopolitiques

La nouvelle guerre sino-americaine redistribue les cartes géopolitiques

Presque immédiatement après l’entrée en vigueur des droits de douane de Trump sur toutes les importations en provenance de Chine, Pékin a réagi avec ses droits de douane sur le pétrole, le charbon et le GNL en provenance des États-Unis. Qui bénéficiera de la guerre commerciale?

Le président américain, Donald Trumpa signé ce week-end un décret sur l’introduction de droits de douane de 10% sur toutes les importations de produits de base en provenance de Chine. Pendant la campagne électorale, Trump a menacé d’introduire un tel droit de douane allant jusqu’à 60%. Ces droits de douane sont entrés en vigueur le 4 février. 

«La Chine a annoncé mardi dernier qu’elle mettait en place des droits de douane sur un certain nombre de produits américains et qu’elle lançait une enquête antitrust sur l’entreprise américaine high-tech Google. Le ministère chinois du Commerce (MOFCOM) a déclaré qu’il imposerait des droits de douane de 15% sur le charbon et les produits à base de gaz naturel liquéfié (GNL), ainsi que des droits de douane de 10% sur le pétrole brut, les équipements agricoles et les voitures de grosse cylindrée», précise la chaîne de télévision pan-européenne multilingue d’information internationale en continu. 

L’instauration des droits à l’importation est en fait le début d’une nouvelle guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.

Avec les droits de douane généraux de 10% imposés par le président américain, Donald Trump, a justifié cette mesure sur le rôle de la Chine l’accusant d’être la principale source pour la production de Fentanyl. Cet analgésique opioïde très puissant (jusqu’à 100 fois plus puissant que la morphine) a causé une épidémie de rue aux États-Unis. 

Les échanges commerciaux entre la Chine et les Etats-Unis ont totalisé plus de 530 milliards de dollars (environ 500 milliards d’euros) sur les 11 premiers mois de 2024, selon Washington. Avant 2018, les produits chinois représentaient 22% du total des importations américaines. En 2024, ils ne représenteront plus que 13,5%, selon le Bureau du recensement des États-Unis. Trump a promis de le couper et de relancer l’industrie américaine. 

Le nouveau tarif de Trump sera en vigueur indéfiniment jusqu’à ce que le président US décide de l’annuler. Le décret de Trump indique que les tarifs pourront être augmentés à l’avenir si la Chine impose des droits de représailles. 

Les juristes notent que Trump a créé un précédent: pour la première fois, les décisions tarifaires sont juridiquement fondées sur la loi sur les pouvoirs économiques internationaux d’urgence (IEEPA) de 1977 ce qui sert de base à l’imposition de sanctions économiques, y compris contre la Russie. Pour les juristes la question est de savoir si les tribunaux qui ont traditionnellement soutenu le droit du président d’imposer des mesures d’urgence, en particulier lorsqu’elles ont trait à la sécurité nationale, peuvent agir sur les droits de douane. 

Le ministère chinois des Finances a déclaré que «l’imposition unilatérale de tarifs douaniers par les États-Unis violait gravement les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ne parvenait pas à résoudre les problèmes des États-Unis et portait atteinte à la coopération économique et commerciale normale entre les deux pays». Avec les droits de douane décidées par la Chine, cette dernière a annoncé mardi qu’elle allait restreindre les exportations de cinq métaux —tungstène, indium, bismuth, tellure, molybdène — utilisés dans la défense, l’énergie propre et d’autres industries en réponse aux nouveaux tarifs américains. 

Dans l’intérêt de la protection de la sécurité nationale, l’exportation de certains produits à partir de ces métaux ne sera possible que sous licence, a déclaré le ministère chinois. Les États-Unis ont cessé de produire le tungstène en 2015 et de produire du bismuth raffiné en 1997, note Reuters

La réponse de la Chine semble modérée, démontrant qu’elle n’est pas encline à promouvoir la spirale d’une guerre commerciale. Les deux pays sont toujours capables de trouver un compromis. Trump a l’intention de s’entretenir avec le dirigeant chinois Xi Jinping dans les prochains jours, a déclaré l’administration du président américain. 

Le choix des catégories de produits de base qui sont tombées sous les droits de rétorsion est dû au désir de minimiser les dommages causés à l’économie chinoise. Les droits sur le pétrole, le GNL, le charbon en provenance des États-Unis, étant donné que leur part est insignifiante dans l’approvisionnement total de ces vecteurs d’énergie en Chine, conduira à une réorientation plutôt indolore vers d’autres fournisseurs, et le montant modéré de ces droits est l’assurance contre les hausses de prix à court terme. Les produits chinois sont, également, tout à fait capables de remplacer les importations en provenance d’autres pays. 

Dans l’importation de pétrole et de gaz, la Chine est davantage basée sur les approvisionnements en provenance d’autres pays — de sorte que, d’après le Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) «la part des importations de GNL américain par la Chine n’est que d’environ 5 à 10% des importations totales de GNL de la Chine. Au moins pour les quatre prochaines années». 

La réponse de la Chine n’est pas symétrique car les États-Unis sont l’un de leurs marchés de consommation prioritaires. Les autorités chinoises n’imposent pas de droits de douane sur les biens et composants intermédiaires. Elles ont choisi une stratégie rationnelle visant à minimiser les pertes économiques. Les restrictions à l’importation de composants et d’équipements auraient des conséquences plus négatives pour l’économie du pays car elles sont plus difficiles à remplacer. 

Qui bénéficiera de la guerre commerciale? Avec la mise en place de ces droits de douane, les pays tiers l’emportent toujours. Ainsi, la Russie pourrait bien remplacer les volumes en baisse en raison de droits de douane bien que dans la situation actuelle il soit nécessaire de tenir compte des restrictions des sanctions qui continuent d’affecter négativement la demande de produits de base russes en Chine. La Tribune note en 2023 que «la Russie a trouvé en la Chine un partenaire de choix pour son pétrole et son gaz». La Russie est le plus grand fournisseur de pétrole et de gaz à la Chine. 

La Chine sera facilement en mesure d’abandonner l’approvisionnement en GNL américain en augmentant les volumes en provenance de Russie, ainsi que le gaz via gazoduc à travers la Sibérie et provenant d’autres fournisseurs (Kazakhstan, Myanmar). 

Le pétrole des États-Unis vers la Chine a déjà été remplacé par le pétrole des pays de Russie et de l’OPEP. La Russie deviendra le principal bénéficiaire du refus de la Chine des ressources énergétiques américaines. Il estc, ainsi, certain que la Russie bénéficie des restrictions chinoises de représailles envers ces matières premières US. Pékin s’inscrit depuis longtemps dans le cadre d’une politique de diversification des sources d’énergie et les approvisionnements russes occupent déjà une part importante du marché chinois du pétrole et du charbon. Le coût de l’achat de pétrole américain et une détérioration générale du commerce avec les États-Unis pourraient augmenter la probabilité que les entreprises chinoises acceptent d’acheter du pétrole russe, malgré les risques de sanctions existants.

 Philippe Rosenthal

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Source Observateur Continental

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