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Le Sud de la France : l’Enfer d’un décor paradisiaque

Le Sud de la France : l’Enfer d’un décor paradisiaque

Un paradis artificiel où l’enfer prend vite le dessus

Le Sud : l’Enfer du décor. J’ai vu des gens pensifs, le regard vide, hagard, les yeux tristes, les lèvres fermées et sans aucun sourire. Beaucoup de femmes seules errent, certaines paraissent être des monoparentales accompagnées d’enfants en bas âge. De jeunes couples se disputent, semblant avoir déjà vécu quarante ans de vie commune, et aigris, marqués par les duretés de la vie. D’innombrables personnes âgées, flânent sans but précis, venues ici finir leurs jours à l’ombre des palmiers. Elles croyaient entrer au paradis, mais finissent aux portes de l’enfer, plongées dans la déprime, la dépression nerveuse, la nostalgie d’une ère lointaine remémorée chaque jour et dans laquelle elles furent toutes de belles et séduisantes actrices. Aujourd’hui, ces femmes, pour la majorité, sont passives, le dos courbé par le poids des années, enfermées dans les enclos d’un EHPAD flamboyant neuf et où tout est planifié, organisé, ordonné, réglé tel du papier à musique. Ici, je ne vois plus un paradis terrestre, je vois qu’un immense hospice à ciel ouvert pour personnes en partance pour l’au-delà. Il n’y a d’ailleurs pas de cadenas, ni de verrous. Où pourraient fuir ces vieillards ? Ils n’iraient pas loin, affaiblis et diminués par des rhumatismes, des problèmes respiratoires, parfois touchés par la maladie d’Alzheimer ou celle de Parkinson. Ils pensaient trouver des sites paradisiaques où vivre au soleil, en compagnie d’amis, et ils n’ont découvert que tristesse et solitude, misère et ennui. Ce que l’esprit peut imaginer, convoiter, est aux antipodes de ce que le miroir de la vie renvoie. Le choc est rude, la réalité dure à encaisser. Le temps écrase nos espoirs, piétine nos rêves. Un rouleau compresseur qui avale les jours et les nuits sans relâche et auquel personne ne peut résister.

Le Sud, un hospice à ciel ouvert

Les gens sont à cran, visiblement inquiets, pris dans les cercles infernaux d’une vie de plus en plus difficile, l’esprit torturé, ne paraissant, à vrai dire, pas du tout vacances, la mine tourmentée. Je me trouve, en effet, dans le sud de la France, précisément dans le département du Var. Un magnifique endroit, situé entre un ciel bleu azur, des plages de sable fin, et un soleil torride, mais où la vie est chère, inaccessible aux petites bourses, et où l’accueil n’est pas chaleureux, voire hostile et inhospitalier ; un endroit a priori paradisiaque et enchanteur, mais tout cela n’est qu’une apparence, une illusion. Il y fait chaud. Chaque été le thermomètre indique des températures de plus en plus élevées, flirtant presque avec celles des pays voisins du Maghreb.  L’atmosphère est lourde, suffocante, parfois irrespirable. Il est vivement déconseillé de rester en plein soleil sous peine de griller, d’être victime d’une grave insolation aux terribles conséquences. Des gamins, casquettes sur la tête, vêtus de teeshirts et shorts se baladent, montés sur des trottinettes. Ils me fixent de leurs yeux curieux, comme si j’étais un étranger ; probablement mon teint halé qui les aurait alertés. Aujourd’hui, la canicule est au menu. Selon la météo, les 40° vont être allègrement franchis. Un soleil de plomb pointe déjà son nez. Le réchauffement climatique déjà produit ses effets.

Béatrice, habitante dans le Sud et précisément dans le Var, livre ses témoignages poignants

J’ai fait la connaissance d’une retraitée sympathie, Béatrice, une dame avenante et tolérante. Elle vit dans le Var depuis des décennies. Elle a 68 ans et me dit qu’elle est obligée de travailler encore deux ans parce que sa maigre retraite ne lui permet pas de vivre décemment. La saison touristique est l’occasion pour elle de cumuler de petits boulots adaptés à son âge. Je l’interroge sur les touristes :

— Beaucoup de locaux sont mécontents de voir débarquer les touristes. Les gens d’ici sont individualistes et ne voient que leurs problèmes. L’égoïsme ainsi que le paraître sont, ici, une culture. Personnellement, je suis heureuse de les voir arriver. Ils nous apportent la joie, la vie, de l’animation et de l’activité. Car la vie est rude ici. Grâce à eux, on retrouve un goût à la vie. Ils nous apportent également l’argent, car ils consomment et font tourner l’économie. Beaucoup de résidents louent également leur maison ou leur appartement pour gagner un peu d’argent. Ils logent chez des parents, des amis, en attendant la fin des baux.

— Béatrice, comment se passe l’hiver, ici ? demandai-je curieux.

— C’est triste, répondit-elle. Une fois les touristes partis, c’est le désert qui s’installe, la solitude, le néant. Même la mer, bleue et radieuse l’été, perd de son charme et devient subitement laide, affreuse, déchaînée. A la tombée de la nuit, sur le coup 17 heures, les gens s’enferment chez eux. Quelques-uns sortent leurs chiens pendant quelques minutes, sans s’aventurer trop loin. Le vide crée la peur, l’inconnu ; on ressent alors une menace, un danger imminent. Rentrer à la maison devient salutaire, un réflexe pour se protéger, se mettre à l’abri.

— Les habitants manifestent une solidarité entre eux ? lui demandai-je encore.

— Peu se fréquentent vraiment. Il y a bien sûr des affinités qui apparaissent, mais ce n’est pas le fort des habitants d’ici. Ce n’est que lorsque surgit une catastrophe naturelle, un drame, que les gens témoignent une solidarite parce que cela devient vital pour eux. Les gens ont peur de montrer leur misère par honte, par crainte du regard d’autrui. Ils préfèrent cacher leurs peines, leurs déboires, leurs tristesses et leurs malaises. Des personnes éprouvent jusqu’au besoin de se rendre près des écoles, juste pour entendre les voix des enfants qui jouent et crient. Cela leur rappelle la vie, celle qu’à leur âge ils connurent et mordirent à pleine dent. Tout cela est bien triste, je sais. Mais c’est malheureusement la triste vérité. Les gens achètent et investissent toute leur vie dans de la pierre pour une place en EHPAD sans le savoir, sans s’en rendre réellement compte. Ils foncent vers un rêve sans lendemain. Un rêve brisé.

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