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L’homme mystérieux au long manteau noir

L’homme mystérieux au long manteau noir
L’homme mystérieux au long manteau noir

L’homme mystérieux au long manteau noir

Ce matin-là, à mon arrivée sur le quai de gare, j’aperçus un homme étrange. Ses yeux étaient perçants, d’un noir vif. Il me fixa de son regard obscur et inquiétant. Je n’ai pas pu supporter ce regard impassible posé sur moi. J’ai fini par baisser les yeux.

Puis, je décidai de m’approcher de ce quidam, debout, non loin. Il y avait une foule dense de gens qui attendaient leur train. Intrigué, je voulus, à mon tour, défier le regard de cet homme peu ordinaire. Ses yeux, bizarrement, ne clignaient jamais.

Je relevai fièrement la tête dans sa direction. A ma grande stupéfaction, il avait disparu. Je pensai alors qu’il s’était déplacé de quelques pas. Je scrutai l’endroit précis d’où il m’était apparu. Sa grande silhouette svelte, plutôt gracieuse, drapée d’un manteau noir, ne pouvait passer inaperçue. Mais malgré mon insistance à inspecter les lieux, je ne vis rien. Aucune trace de l’individu. S’agissait-il d’une apparition née de mon imagination ? A vrai dire, je n’eus aucune explication rationnelle à ce qui m’arrivait.

Le vacarme de la foule, les bruits, les cris résonnants, les fracas, les annonces des speakers s’étaient subitement tus, le temps de cette incroyable et brève apparition. En effet, je n’entendis plus rien autour de moi, jusqu’au moment précis où je vis le train entré en gare. Les bruits coutumiers d’une gare retentissaient de nouveau. Tout reprenait son cours normal.

Dès l’arrêt du train, je pénétrai dans un wagon, en début de voiture. Il y avait des sièges vides. Je pris place dans un carré. La sirène sonore retentit, les portières se verrouillèrent, le train s’élança. J’avais encore à l’esprit ce mystérieux inconnu. Est-ce qu’il s’agissait d’une hallucination ? Je ne parvenais pas à effacer son visage resté gravé dans ma mémoire.

« Je n’ai tout de même pas rêvé ! » pensai-je. A ce moment, je fus ébranlé lorsque le train traversa une longue zone d’aiguillage. Des passagers, restés debout, ressentirent les fortes secousses, certains furent légèrement secoués. Puis, las, je fermai les yeux, m’assoupissai un instant. Enfin, le train arriva à bonne destination. Je descendis de voiture, me précipitai vers la sortie. Tel un automate, je rejoignis un long couloir conduisant à un escalator, puis je regagnai la surface.

Lorsque je n’étais pas en retard, j’avais pour habitude de m’arrêter à un bar-tabac du coin et d’y prendre un café serré. Et justement, j’avais tout mon temps. Je commandai ma boisson, réglai l’addition, me dirigeai vers une table vide, m’assis machinalement.

Quelques minutes s’écoulèrent. Soudain, je ressentis une présence humaine derrière moi. Je saisis la tasse, bu le fond restant, sans rien laisser paraître de mon inquiétude. Je fus alors pris d’une stupeur, d’un effarement, lorsque je vis, à ma grande surprise, un homme prendre place devant moi. Il n’y eut aucun doute dans mon esprit : c’était bien l’homme que j’avais aperçu auparavant.

— Surpris de me revoir ? me demanda-t-il

— Oui, répondis-je en proie à une peur bleue. C’est bien toi que j’ai entrevu tout à l’heure ?

— Effectivement, c’était bien moi.

— Mais qui es-tu ? Que veux-tu ? demandai-je à mon tour.

Il me répondit sur un ton posé et tranquille :  

— Interroge ton esprit et tu sauras qui je suis, répondit-il.

— Que vient faire mon esprit dans tout cela ? rétorquai-je d’un ton assuré.

— Interroge ton esprit et tu sauras qui je suis, répéta l’homme, en se levant.

Il s’apprêta à partir. A mon grand étonnement, j’étais seul à le voir et à l’entendre ; dans la salle, personne ne semblait, en effet, s’apercevoir de sa présence. L’homme tourna les talons et disparut derrière un écran de fumée opaque.

Effrayé, éberlué et stupéfait, je me levai à mon tour. Les yeux écarquillés, j’observai tout autour de moi. Tout semblait normal. Seuls quelques clients, intrigués par mon visage ahuri et mes faits et gestes précipités, m’observaient pantois. Visiblement, j’étais perturbé, affolé et cela se voyait. Une fois encore j’entendis cette voix résonnant dans ma tête : « Interroge ton esprit et tu sauras qui je suis ».

Qui était cet homme ? Que voulait-il ? Quel message m’adressait-il ? Autant de questions sans réponse. Il ne m’était-il possible d’y répondre ; je n’y comprenais rien. Une énigme. Je repris le chemin du bureau, frustré, apeuré, tourmenté.

Sur mon chemin, il y avait un vieux mendiant auquel je donnais, plus ou moins régulièrement, quelques pièces en aumône. Je m’étais habitué à sa présence et à son sourire radieux qui acquittaient largement mes modestes contributions. Il me lançait tout haut : « Dieu te bénisse, ainsi que tes parents. » J’en tirais une énorme satisfaction morale.  

Mais ce jour-là, précisément, le vieil homme n’accepta pas mon aumône, à ma grande surprise. Il me fit signe de me rapprocher de lui. Je m’exécutai. Il était assis. Il me pria de me baisser et de lui prêter l’oreille :

— Aujourd’hui, je ne peux accepter ton argent, me dit-il

— Pourquoi donc ? Tu en as bien besoin, répondis-je intrigué.

— Je te demande toute ton attention, poursuit-il. Je suis sur cette terre depuis une éternité. J’ai prié Dieu de me rappeler, en vain. J’ai été puni pour un grave délit commis il y a de cela fort longtemps. Ma peine : l’errance de mon âme sur Terre.

— C’est un cruel châtiment. Tu ne connais donc pas la mort ? lui demandai-je surpris.

Le vieil homme me donna des précisions :

— Dieu m’a accordé, dans son immense miséricorde, une possibilité de rachat. Lors d’un long rêve dont je me souviens encore de tout en détail, un ange m’avait informé qu’il me fallait recueillir, de la part de personnes dignes, pieuses et sincères, sept cents millions de supplications adressées à Dieu en ma faveur, pour me permettre de retrouver la paix de mon âme.

— C’est énorme ! m’exclamai-je. Mais pourquoi autant de supplications ?

Il sourit, puis répondit à ma question :

— Pour recueillir sept cents supplications sincères en ta faveur, il te faut être, tout le temps, le plus parfait possible.

Il revint sur son état actuel :

— Avant de parvenir jusqu’ici, j’en ai recueilli l’essentiel, dans d’autres pays musulmans où les pieux font légions. Puis, j’ai suivi mon instinct qui m’a guidé jusqu’à cet endroit où je me suis assis, fatigué. J’ai apprécié ta gentillesse et ta dévotion pour Allah et l’islam. Chaque jour, j’attendais ton passage impatiemment. Et lorsque tu me donnais une pièce et que tu prononçais cette phrase : « Puisse Allah t’aider dans tes difficiles épreuves » alors tes paroles étaient entendues, car elles étaient prononcées avec une foi profonde. Ton sourire ne trompait pas et il me réchauffait le cœur. J’en avais les larmes aux yeux.

— Pourquoi ne m’as-tu rien dit auparavant ? J’aurais pu t’aider, répondis-je ému.

— Je n’étais pas autorisé à en parler, jusqu’à hier où tu avais prononcé la dernière supplique indispensable à ma délivrance. Je devais impérativement attendre que tu sois contacté par un émissaire, vêtu tout en noir, avant d’en parler.

Le vieil homme m’interrogea à son tour :   

— A ce sujet, as-tu eu la visite d’un mystérieux homme ce matin ?

— Oui, répondis-je. Un homme dont je ne sais rien du tout. Il m’a juste dit :  « Interroge ton esprit et tu sauras qui je suis. »

La réponse à mes interrogations me parvint enfin :

— L’homme que tu as aperçu ce matin est ton propre esprit incarné en être humain, mon fils. Il est venu sceller définitivement ta foi en toi. Désormais, il te suffira d’interroger ton esprit pour avoir la réponse à toute question relative au Bien et au Mal. La puissance de la foi peut délivrer du mal tout être humain, même lorsque son cas peut paraître désespéré. Je vais recouvrer la paix et je le dois à Allah et à la bonté et la foi de personnes telles que toi. Je vais te quitter mon fils et prendre le chemin qui guide vers notre Créateur.

Ses dernières recommandations, je m’en souviens comme si c’était hier :

— Continue à œuvrer pour le Bien et ne te préoccupe pas de ceux qui font le Mal. Cela se retournera contre eux un jour ou l’autre. Ils subiront le même châtiment que j’ai enduré durant des décennies.

Puis, il ponctua ses ultimes directives avant de disparaître :

— Interroge ton esprit et tu sauras comment distinguer le vrai du faux, la vérité du mensonge, le sincère de l’hypocrite. Ne parle jamais à personne de ce que tu as vu. Désormais, tu es de ceux qui savent. Puisse Allah nous réunir un jour au Paradis. Amine.

A ses paroles, le vieil homme se volatisa en un clin d’œil. Subitement, le ciel se dégagea, la grisaille laissa place à un magnifique ciel bleu floqué d’un arc-en-ciel d’où l’on pouvait lire ceci : Allahou Akbar (Dieu est grand). Étais-je seul à voir cet arc-en-ciel ? Aucun, parmi les passants, ne leva les yeux vers le Très-Haut. Tous avaient une mine triste, résignée, torturée, les yeux rivés sur le sol. Et pourtant, juste au-dessus de leur tête, il y avait la clé du paradis. Ils ne l’ont pas vue. Pourtant, il leur suffisait juste de lever les yeux vers le ciel. Pas un ne le fit. Ils passèrent tous à côté, comme aveuglés, emportés par les vagues tumultueuses de leur vie.

Attendaient-ils tous l’homme mystérieux vêtu d’un long manteau noir ? Je n’en ai jamais vu un seul donner l’aumône lorsqu’ils passaient devant le vieil homme assis à mendier, à même le sol, recherchant la piété auprès des hommes croyants.

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