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Vers un monde dystopique ?

Vers un monde dystopique?

Une crise est une conjoncture de changements dans n’importe quel aspect d’une réalité organisée mais instable, sujette à l’évolution. Le mot crise viendrait du verbe grec krínein, qui signifiait à l’origine «décider, séparer, juger» et a ensuite évolué en «sélectionner ou choisir» et implique toujours un chaos de changement.

Une crise implique toujours une rupture dans le cours linéaire des événements qui se traduit par une série d’alternatives parmi lesquelles choisir. Pour sortir de ce labyrinthe, il faut utiliser la capacité de différenciation et de pensée critique en suivant le chemin marqué par Saint François d’Assisei: «Commence par faire le nécessaire, puis fais ce qu’il est possible de faire et tu réaliseras l’impossible sans t’en apercevoir.

Le siècle des crises. Le 21e siècle entrera dans l’Histoire sous le titre du «siècle des crises» puisque la crise économique de 2008, la crise sanitaire de la Covid-19 et la crise géopolitique s’accumulent avec le retour de la guerre froide et l’émergence du nouvel ordre multipolaire ou G-3 dans la co-gouvernance mondiale. De même, nous assisterons à l’intensification de la crise climatique qui entraînera des vagues de chaleur inhabituelles, des sécheresses et des inondations et à la crise énergétique avec des augmentations stratosphériques des prix du gaz, de l’électricité et des hydrocarbures. 

Enfin, la crise des démocraties formelles incapables d’inverser les bénéfices supposés des régimes autocratiques s’aggravera et après l’effondrement du château de cartes de la mondialisation, la fracture sociale dans les sociétés s’accentuera et la roue cyclique pourrait s’achever avec l’émergence d’un nouvelle crise alimentaire mondiale. 

Changement climatique et crise alimentaire. Le phénomène climatique connu sous le nom d’El Niño serait lié à la légère augmentation du réchauffement des eaux du Pacifique oriental équatorial et pourrait poser des problèmes à certaines parties de l’Afrique, de l’Amérique centrale et de l’Asie de l’Extrême-Orient, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). 

Ainsi, la précédente apparition d’El Niño entre 2015 et 2017 a eu des effets dévastateurs sur la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance, la nutrition et la santé de près de 100 millions de personnes dans 23 pays à travers le monde. Cet épisode a été caractérisé par des sécheresses brutales en Amérique centrale, en Colombie, au Venezuela, en Californie, au Vietnam, en Éthiopie, au Timor oriental et en Afrique australe; des inondations inhabituelles en Somalie, en Tanzanie, dans les États du sud des États-Unis, en Équateur, au Pérou, au Brésil, en Argentine, au Paraguay et en Uruguay, ainsi que des incendies dévastateurs en Californie, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Chili, au Venezuela et en Indonésie, catastrophes qui pourraient se répéter dans le prochain triennat et cela pourrait générer une crise alimentaire majeure dans ces zones géographiques. 

Ainsi, la réduction brutale des superficies consacrées aux cultures agricoles dans les pays en développement aurait provoqué un déficit inquiétant de l’offre de céréales, estimé à un milliard de tonnes par an et qui se traduirait par la hausse du prix des céréales de 56%. De même, la dépendance excessive des pays en développement aux importations céréalières, qui pourraient atteindre 265 millions de tonnes de céréales d’ici 2030 (14% de leur consommation), avec en plus le fardeau d’une dépréciation progressive de leurs devises par rapport au dollar. 

Si l’on ajoute à cela l’application de restrictions à l’exportation de matières premières agricoles de pays comme l’Inde pour assurer leur autosuffisance et l’intervention de courtiers spéculatifs sur le marché à terme des matières premières agricoles, le résultat serait une pénurie progressive des approvisionnements des marchés dans le monde et une spirale d’augmentation des prix des matières premières impossible à imaginer pour les économies du premier monde et qui ne permettra d’atteindre les objectifs du troisième millénaire visant à réduire la faim dans le monde. 

Vers un monde dystopique? Le paradoxe ou aporie serait «une idée, un fait ou une proposition qui contredit la logique ou viole le bon sens» et le plus connu serait le paradoxe de Zénon d’Élée, dit Achille et la tortue

Si l’on extrapole l’aporie de Zénon aux relations géopolitiques, le Nord opulent serait Achille et le Sud global la tortue, et même si Achille va plus vite et surpasse la tortue dans la course, ils ne pourront jamais coïncider au point de départ de la tortue. En réalité, le monde ne bougerait pas. 

De là découle l’impossibilité de parvenir à des accords entre les deux parties puisqu’elles ne s’accorderont jamais sur le point de départ d’une quelconque négociation puisque le mouvement est impossible. Cependant, il est évident que ce paradoxe, sous l’apparence d’un raisonnement correct, cache quelque faille. Grâce à la Théorie des Limites qui indique que «l’hypothèse selon laquelle les chemins infinis doivent totaliser une distance infinie et prendre un temps infini n’est pas correcte». 

Transféré sur la scène mondiale, on peut en déduire que si les deux zones géoéconomiques appliquaient la théorie du consensus, la malédiction d’Achille serait brisée car si le mouvement était possible, elles atteindraient inévitablement un point de rencontre pour parvenir aux accords que la société mondiale exige pour atténuer le grave changement climatique et les crises alimentaires qui en découlent, ainsi que pour canaliser les inévitables mouvements migratoires à venir dans les décennies à venir.

Cependant, compte tenu du manque d’empathie entre le Nord et le Sud global, il n’est pas exclu que le monde se dirige vers une dystopie de nature réelle à l’horizon 2040 qui sera un cocktail de crises en agitation permanente qui finissent par déclencher un cocktail destructeur pour l’humanité.

Germán Gorraiz López, analyste politique

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