LANNELONGUE : apprendre à lire, à écrire et à compter en quelques mois sans connaître un mot de français

LANNELONGUE : apprendre à lire, à écrire et à compter en quelques mois sans connaître un mot de français

LANNELONGUE : apprendre à lire, à écrire et à compter en quelques mois sans connaître un mot de français

Arrivé en France à l’âge de 8 ans, juste après la guerre d’Algérie — qui dura de novembre 54 à juillet 62 —, et alors que j’étais supposé naître citoyen français, je ne savais ni lire, ni écrire, ni parler la langue française, parce que je n’avais jamais mis les pieds à l’école, grâce notamment aux « miracles » et aux « bienfaits » du colonialisme. L’analphabétisme total. C’était en Algérie, du temps des colonies.

Peu après l’indépendance de l’Algérie, mon père rejoignit la France. Il y trouva vite du travail, si bien que quelques mois après nous, ma mère, mes frères et sœurs, le rejoignîmes à Marseille, puis nous montâmes à Paris.

Mère était atteinte d’une tuberculose. Elle fut placée, en compagnie de mon père, dans un sanatorium situé dans le Jura où ils y séjournèrent une année.

Atteint également d’une tuberculose, je fus pour ma part placé dans le préventorium de LANNELONGUE, situé à Saint-Trojan, sur l’île d’Oléron. Bien que situé en Charentes-Maritimes, ce centre d’accueil pour enfants malades était géré par Paris (aujourd’hui Ile-de-France).

C’est en 1917 que fut construite une base navale aérienne américaine à Saint-Trojan, sur l’île d’Oléron. Les installations sont rachetées en 1919 par l’Office Public d’Hygiène Sociale du département de la Seine qui en fait un sanatorium réservé aux garçons de six à seize ans tuberculeux primo-infectés.

Ouvert en 1922, l’établissement reçut le nom de « LANNELONGUE » en souvenir d’Odilon Lannelongue (chirurgien, chercheur, sénateur, membre de l’Académie des Sciences et fondateur du Congrès Annuel Français de Chirurgie).

J’ai immédiatement été pris en charge par des soignantes chaleureuses et attentionnées ainsi que par des médecins exceptionnels. Toutes et tous étaient d’une humanité qui vous marque pour la vie.

Un bienveillant instituteur, Monsieur Myriam PANTEIX, va surgir dans ma destinée. Cet homme admirable va me fournir les premières clés pour démarrer dans la vie. Doué de qualités humaines remarquables, Monsieur PANTEIX usera de méthodes pédagogiques adaptées, destinées à capter l’attention, à stimuler les sens cognitifs, à toucher l’esprit et à marquer la mémoire.

En une année à peine, j’ai donc appris à lire, à écrire, à compter, et enfin à pouvoir m’exprimer dans la belle langue de Molière.

Cet instituteur inspiré et brillant, dans la transmission du savoir, aux méthodes attractives et ludiques, m’a aidé à rattraper mon retard scolaire ; et Dieu sait, si j’avais du retard !

A mon arrivée en France, je ne savais même pas dire merci ou bonjour en français. Pourtant, malgré mes lacunes, les difficultés et les obstacles auxquels j’étais confronté, j’ai réussi à surmonter les barrières de la langue et à acquérir les bases élémentaires.

La bienveillance et le dévouement des soignantes qui palliaient avec amour le manque d’affection, dû à l’absence involontaire de mes parents, m’ont apporté un soutien humain et moral essentiel dans mon apprentissage.

Mais ce fut sans aucun doute l’enseignement innovant et créatif de cet instituteur, Monsieur PANTEIX, qui m’aura fait progresser rapidement. Dans mon cas précis, cet homme m’avait aidé à me remettre au niveau des élèves de mon âge, bien que je revinsse de loin. C’est comme si j’avais démarré une course de cent mètres mais avec trente mètres de retard par rapport aux autres concurrents.

Les méthodes pédagogiques utilisées par Monsieur PANTEIX étaient — je m’en souviens comme si c’était hier — efficaces et efficientes. En effet, il a su captiver mon attention en utilisant de jolies images expressives, des histoires fascinantes, des activités attrayantes et des interactions passionnantes.

J’apprenais tout en m’amusant ; ma curiosité se nourrissait d’un divertissement intelligent. L’enfant, que j’étais, apprenait en jouant.   

Dans mon cas particulier, Monsieur PANTEIX avait su adapter son enseignement en fonction de mes besoins spécifiques. Cela me permit de progresser à mon rythme, sans anicroche et avec enthousiasme.

Cette réussite a été le fruit d’un travail avant tout humain, mais aussi d’une détermination, d’un soutien inconditionnel et d’un investissement de la part de Monsieur PANTEIX, mais également de tous les remarquables soignants du préventorium LANNELONGUE.

Mon histoire personnelle, vécue dans les années soixante, rappelle le rôle éminemment important de l’Education Nationale exercé dans une école républicaine. Le soutien du corps enseignant est primordial dans toute future réussite en société.

Mon expérience démontre également que rien n’est impossible quand nous sommes entourés de personnes exceptionnelles, prêtes à aider et qui le font avec implication, conviction et vocation.

Avec la méthode d’aujourd’hui, dite « globale », je n’aurais probablement jamais pu rattraper mon retard.

Parce que chaque enfant est différent, unique, doué de qualités, de dons intrinsèques et qui ne peut progresser qu’à son propre rythme. Mais encore faut-il l’intéresser au savoir et à l’apprentissage par des méthodes d’enseignement adaptées.

Or, aujourd’hui, l’enseignement n’est plus fondé sur le temps, mais sur une course contre le temps. Les plus rapides, souvent issus d’un environnement social aisé, seront les gagnants. Les autres acquiesceront, frustrés de ne pas avoir eu la chance de s’exprimer. Ils éprouveront le sentiment d’avoir été laissés sur le bord de la route, abandonnés à leur triste sort.

C’est la méthode de Monsieur PANTEIX, auquel je témoigne toute ma gratitude et mon immense respect, qui m’aura donné le déclic et la flamme de l’envie d’apprendre.

Parce que l’apprentissage ne peut s’exercer que par celles et ceux qui ont la vocation, la volonté, l’envie et la patience d’enseigner.

Alors, Monsieur Myriam PANTEIX, je tenais à vous exprimer du fond du cœur, mon immense gratitude, mon profond respect.

Grâce à vous, j’ai pu embarquer dans le train de la vie, alors que tout me prédestinait à rester sur le quai de gare.

Soyez assuré de mon amitié et puisse Dieu vous prêter longue vie.

Du fond du cœur et en toute humilité.

Touhami – INFOSPLUS

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