Souvenir de Lannelongue un préventorium sur l’Île d’Oléron en Charente Maritime. A cette France éternelle qui accueille l’Etranger, respecte sa dignité, ses différences et en fait un citoyen à part entière
Le préventorium LANNELONGUE est né dans les baraquements d’une base canadienne de Saint-Trojan-les-bains sur l’Île d’Oléron
Après la première guerre mondiale, en 1918, les baraquements de la base canadienne de Saint-Trojan (Ile d’Oléron) sont à l’abandon. Le préfet de la Seine décide de les acquérir en 1920. Le préventorium de Lannelongue est né. Il est destiné à accueillir de petits enfants malades et fragiles de Paris qui viennent là pour une cure d’un an.
A partir de 1988, le centre ne correspond plus aux besoins de la population, et le recrutement devient difficile. Le Conseil Général de Charente-Maritime décide alors d’acquérir ces 17 hectares pour en faire le Foyer départemental de Lannelongue, qui accueille des adultes handicapés. Puis, les baraquements furent entièrement détruits, laissant planer comme un vide dans l’histoire de ce préventorium ; place à des constructions plus modernes. Inexorablement, le temps avait accompli son œuvre. J’ai beau me retourner, il ne me reste plus que des souvenirs à caresser pour longtemps ; probablement jusqu’à la fin de ma vie.
J’ai séjourné dans ce préventorium pendant une année dans les années 60 (1963/1964) en raison d’une tuberculose. A ma sortie, j’étais entièrement guéri.
La France, le port de Marseille, puis direction Paris
Débarqué en France en septembre 1963, j’ai d’abord fait connaissance avec le froid ; un froid sec, vif, qui glace le nez, gèle les mains et les pieds. Habitué au soleil d’Algérie et à des hivers courts et très doux, le « choc thermique » fut plutôt brutal pour le jeune garçon que j’étais encore.
Puis s’ensuivirent des séjours dans différents hôpitaux en région parisienne, à la suite de problèmes pulmonaires : une tuberculose, dont des placements d’une durée de :
- 2 mois passés au foyer des garçons Saint-Vincent de Paul dans le XIVe arrondissement de Paris ;
- 6 mois passés au Préventorium Albert CALMETTE à Yerres (ESSONNE) ;
- 1 an passé au préventorium LANNELONGUE à SAINT-TROJAN-LES-BAINS sur l’île d’Oléron en CHARENTE MARITIME.
L’Algérie était, parait-il, — excusez-moi, mais soit je n’étais pas au courant, soit je ne vivais pas dans le même pays — française. Pourtant, lorsque je débarquai du paquebot qui me conduisit au port de Marseille, je ne connaissais pas un mot de français, pas même dire merci. Puis mon père, venu à notre rencontre (il y avait avec moi ma mère et mes frères et sœurs), nous fit regagner Paris, là où il travaillait et habitait régulièrement.
L’apprentissage de la lecture et de l’écriture
C’est précisément sur l’Île d’Oléron, à SAINT-TROJAN dans la Charente Maritime, qu’allait intervenir un homme : Monsieur PANTEIX. Un homme dont j’ignorais tout, mais qui par sa gentillesse, son dévouement, son abnégation, sa réelle passion pour son beau métier d’instituteur, et l’affection (comme celle d’un père) qu’il témoignait à ses élèves, allait m’apprendre à parler le français et surtout à le lire et à l’écrire rapidement.
Par sa méthode d’enseignement classique et très imagée — frapper l’esprit et la mémoire (exemple : la lettre « G » était représentée par un beau « Geai » et la lettre « S » par un « Serpent » accroché à une branche d’arbre, et ainsi de suite) — monsieur Panteix me communiquait l’envie d’apprendre, et m’intéressait à cette merveilleuse mécanique des lettres dont j’apprenais, doucement mais sûrement, les différentes techniques destinées à déchiffrer les combinaisons entre elles et à les utiliser pour parvenir, à mon tour, à former les sons que je désirais exprimer. Une véritable magie naissait en moi, m’absorbait entièrement l’esprit ; un engouement pour les lettres me saisissait.
Les résultats furent surprenants. Très vite j’appris à lire et à écrire. Enfin, je m’exprimais de manière explicite et dans un français plus que correct. Doté d’un caractère naturel sociable et plutôt facile à vivre, je fus un enfant vite adopté par toutes et tous. Je pouvais désormais m’exprimer en français aussi librement que je le faisais en arabe, ma langue maternelle.
Cette France éternelle que je garde au fond de ma mémoire
Monsieur PANTEIX, dont j’apprendrai plus tard qu’il porte le prénom de Myriam (étonnant pour un homme), incarne cette France éternelle, généreuse et hospitalière : une France solidaire, fraternelle, accueillante et tolérante. Une France qui m’aura tout donné, y compris les meilleurs soins médicaux.
Dans ce foyer LANNELONGUE, où j’étais placé pour des raisons de santé, mais également pour des raisons familiales (mes parents étaient également malades et ne pouvaient plus s’occuper de leurs enfants), le mot racisme n’existait pas, il avait totalement disparu. Tous les enfants étaient sur le même pied d’égalité, traités de la même manière. L’attention particulière destinée à chaque enfant était d’une humanité et d’une chaleur dont on se souvient pour le restant de sa vie.
Depuis, j’ai bien sûr construit ma vie d’homme, ma propre famille, et me suis forgé un caractère. Si j’ai pu franchir tous ces chemins difficiles, contourner ces innombrables écueils sans trop d’encombres, c’est grâce à des hommes, des femmes tels monsieur Panteix.
Cette France à laquelle je dois tant
En effet, lorsque toutes les portes se referment inexorablement devant vous, que vos fragiles bras d’enfant ne peuvent parer les mauvais coups reçus, parce que la vie en a décidé ainsi, alors seul l’espoir d’obtenir de l’aide de la part d’adultes peut vous sauver de la noyade et du désespoir. La vie ne tient qu’à un fil, j’en ai fait l’expérience.
Monsieur Panteix — je veux ici lui rendre un fervent hommage, lui témoigner mon amitié, ma gratitude et mon immense respect — a fait partie de ces gens que Dieu aura mis sur mes chemins de vie. Si notre destin nous appartient, une bonne part nous échappe et est entre les mains de Notre Créateur.
J’ai donc, grâce notamment à M. Panteix, pu acquérir les premières clés qui ouvrent les portes d’un avenir : apprendre à parler une langue qui m’étais étrangère, à lire, à écrire, même après des années de retard. Il n’est jamais trop tard. Tout est possible, pourvu que l’on ne désespère jamais. Il faut toujours garder espoir, quelles que soient les difficultés, les incertitudes de la vie.
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Autobiographie de Monsieur Myriam PANTEIX
Pour commander le livre :
Intitulé : Monsieur Myriam ISBN : 978 2 7466 0720 0
Tél. 06 84 64 41 96
Courriel : myriam.panteix@orange.fr