Dieudonné : cette affaire n’a été qu’une infime révélation de l’état de la France

Dieudonné : cette affaire n'a été qu'une infime révélation de l'état de la France
Liberté d’expression – Dieudonné : cette affaire n’a été qu’une infime révélation de l’état de la France

Dieudonné : ce que nous enseigne et ce que nous devons tirer comme enseignement de cette triste affaire

M. Dieudonné est un artiste qui a beaucoup de talent. Je pense que là-dessus il peut faire le consensus. Mais il s’est permis quelques incartades, concernant le sionisme d’une part, et les lobbies juifs, d’autre part, apparemment dérangeantes, voire désobligeantes ; l’humour aurait dû en principe faire passer tout cela. Chacun a en tête cette provocation, lorsqu’il a imité le salut nazi au cours d’une émission de télévision diffusée en direct.

Le tollé provoqué, on peut parler d’un cataclysme, qui s’ensuivit, ne passa pas inaperçu dans l’opinion publique. Choquée, la communauté juive fut unanimement indignée ; on pouvait bien sûr la comprendre. Le hiatus, c’est qu’en France on ne peut rire et se moquer que de ce qui est toléré par les puissants. La suite, on la connaît.

Puni, écarté, jeté sur le banc des accusés tel un paria, un pestiféré, M. Dieudonné s’est vite retrouvé hors-jeu partout. Privé d’accès aux médias, de théâtres, de scènes où se produire, déclaré persona non grata dans plusieurs villes françaises, et finalement presque jeté à la rue, comme un vulgaire SDF, il est devenu un indésirable. Une des conséquences directes : dans le monde fermé des saltimbanques et des troubadours, il est désormais de mauvais aloi de le fréquenter.

M. Dieudonné a été victime, osons le mot, d’une exclusion sans précédent, manifestée par tous les milieux qui touchent de près ou de loin, dans ce pays, à la culture, à la politique, au monde des artistes, des affaires etc. Cette exclusion n’a pas été temporaire et à titre préventif, mais définitive et à titre disciplinaire. Un exemple adressé à d’autres aventureux qui seraient tentés de partir en expédition contre des forteresses réputées imprenables, intouchables.

Il est à noter que ce lynchage médiatique s’est produit sans qu’on ait offert, à l’accusé, un quelconque moyen de se défendre, pas même un semblant de jugement équitable qu’auraient conduit des juges neutres et impartiaux.

Pourquoi un tel acharnement unanime de la part des intellectuels, des politiques, des présentateurs de télévision, des journalistes, des reporters, des écrivains, des chanteurs, des médecins, des restaurateurs, des artistes (pardon à ceux que j’aurais oubliés, la liste est trop longue) sur ce qui semble n’être qu’un fait mineur ne méritant pas autant de tohu-bohu, alors qu’il y a tant d’injustices, de gens à la rue, de érémistes, de chômeurs en fin de droits, de drames, de guerres, de terrorisme et de catastrophes sur la terre qui mériteraient plus notre attention ?

Si M. Dieudonné s’était attaqué au Chef de l’Etat même, nul doute la réaction n’aurait pas été aussi musclée, aussi catégorique et vindicative.

Etonnamment, dans cette histoire, ceux qui sont d’habitude en première ligne pour défendre la liberté d’expression absolue, quand il s’agit de dénigrer et de critiquer les Noirs, l’islam, les musulmans et les autres minorités, ont été, comme par hasard, victimes d’un sommeil profond, comateux. Vraiment très étrange cette conception de la liberté d’expression à géométrie variable. On peut tout dénoncer et tout dire, sauf lorsqu’il s’agit de castes bien précises, au risque d’être immédiatement rayé des cadres.

M. Dieudonné en a fait les frais, la triste expérience. Je fais tout de même remarquer que les guignols de l’info ridiculisaient (pendant des années) tous les soirs nos principaux dirigeants politiques, et tout le monde s’en moquait, psalmodiant presque en cœur leurs railleries. Et c’est franchement mieux ainsi. Parce que les Français savent encore faire la différence entre les choses sérieuses et la simple dérision.

Ce qui est moins drôle, c’est qu’en France, justement, s’il est un sujet du moment sensible, c’est bien celui de l’exclusion ; qu’elle soit raciale, économique, artistique, politique, religieuse, sexiste, ou tout simplement géographique, et je sais de quoi je parle, puisque je vis en banlieue. Mes origines, ma religion et ma condition sociale font que je suis confronté aux discriminations et aux exclusions quotidiennement. C’est un rude combat de tous les jours.

Les idées se combattent par des idées jamais par les armes ou l’exclusion

Je me fonde donc sur ces expériences pratiques, découlant d’une vie sociale et domestique déjà bien remplie, pour affirmer que cela aurait été une erreur de ne pas laisser M. Le Pen exprimer ses idées. Les citoyens, attachés aux valeurs de la République, ont pu ainsi peser le danger que représenterait telle ou telle idéologie pour la démocratie et les libertés individuelles en général. Parce qu’on combat des idées par des idées et non pas par la violence ou le rejet. M. Le Pen a le droit d’avoir des idées et des convictions, c’est une liberté fondamentale, mais celles-ci doivent être énoncées, révélées au grand jour. Ensuite, le peuple demeure souverain dans ses choix électoraux.

A l’inverse, le fait d’avoir voulu cloîtrer M. Dieudonné dans un ostracisme d’une durée indéterminée a été, à mon avis, une erreur fatale. A-t-elle été commise par un péché d’orgueil de la part des personnes concernées au premier chef ? Ces gens auraient-ils agi selon un égocentrisme et une mégalomanie que leur mythomanie n’a pas su ou pu couvrir, rendre moins perceptibles ? Ont-ils agi parce que défendant, becs et ongles, un même destin, une même terre promise ? La question reste posée.

Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec M. Tariq Ramadan, autre personnalité victime de l’émeute, de la censure déclarée d’utilité publique par les garants de la pensée unique. Comprenez que par essence, étant nous-mêmes des victimes de l’exclusion, nous sommes donc réfractaires à toute forme d’exclusion. 

Et aujourd’hui, les personnes victimes de l’exclusion, on peut évoquer, entre autres, les jeunes des banlieues défavorisées, s’identifient à M. Dieudonné et lui apportent soutien et sympathie. Ils voient en lui, comme un porte-parole, un résistant aux panégyristes partiaux, incarnés par une presse, une classe politique, une hiérarchie élitiste n’admettant en son sein que les partisans, la confrérie, le copinage, et régnant sans partage.

Faites l’expérience de regarder la télévision sept jours durant et vous verrez que ce sont toujours les mêmes têtes qui tantôt invitent et qui, tantôt, sont invitées ; lisez les journaux durant sept jours également et vous verrez que ce sont toujours les mêmes qui écrivent sur les mêmes. A force cela finit par crever les yeux et résonner fort dans les tympans. Un seul mot reviens alors en leitmotiv : assez ! Rien ne peut plus lénifier notre colère. La révolte qui gronde se profile déjà à l’horizon.

Voilà pourquoi il aurait été, cela parait évident, plus sage de laisser M. Dieudonné s’exprimer en toute liberté, dans les limites de la loi et des règles conventionnelles auxquelles doit s’astreindre tout individu et plus particulièrement un homme public. Ensuite, les Français sont suffisamment adultes et responsables, et loin d’être des imbéciles, pour se forger leur propre opinion.

Zemmour a été condamné plusieurs fois pour incitation à la haine raciale et pourtant il est de plus en plus invité sur les plateaux de télévision. Dieudonné a été condamné pour antisémitisme, il n’a pas été interdit de passer à la télé. Or, il est boycotté, interdit de télé, et de tout. Pourquoi une telle différenciation ?

Mais, fondamentalement, la véritable question que je me pose, et que se posent des tas de gens, c’est pourquoi a-t-on tenté de bâillonner M. Dieudonné ? A tel point qu’on a fait de lui un martyr. Ceux qui l’ont privé de paroles vont devoir répondre à cette question. Dérangerait-il à ce point ? Ou pointerait-il du doigt des groupes de pression jusque-là à l’abri de toute attaque ? Avouez que l’on est en droit de se poser ces questions, tant l’exécution de M. Dieudonné a été orchestrée par des mains de maître et en un temps record.

M. Dieudonné s’était déclaré candidat à l’élection présidentielle de 2007 ; encore fallait-il qu’il obtienne les cinq cents signatures nécessaires à son éligibilité, ce qui eût été une autre affaire. Avec la loi sur la transparence des élus parrainant un candidat, il aurait eu beaucoup de mal à rassembler ces signatures. Mais là encore, le fait de lui barrer la route aurait été à double tranchant, car il aurait eu beau jeu de crier au scandale, se posant telle une victime d’un système, d’une machination, d’un complot à l’échelle nationale.

Et si la classe politique ne trouve pas d’autres argumentations que celles qui consisteraient à le traiter d’antisémite (reconnu par la justice), comme c’est le cas actuellement, et de lui attribuer toutes les agressions intolérables contre des Juifs de France, cela prouverait qu’elle serait visiblement à court d’arguments. Et j’argue, dans ce cas, que ce serait très inquiétant pour la classe politique elle-même et l’avenir de la démocratie française.

Mais la politique n’est pas un jeu. Prendre en main les affaires d’un pays requiert des compétences et des qualités que monsieur tout le monde n’a pas forcément. M. Dieudonné est un excellent acteur comique, mais je pense que ces prétentions, en matière sociale, économique et politique, n’iraient pas au-delà d’une simple expression de mécontentement ayant pour effet immédiat de créer un fort taux de votes protestataires dès le premier tour.

Je pense également à Eric Zemmour, autre comique spécialisé dans l’humour noir, voire brun sombre. Un guignol polémiste, dont le seul « génie » est de crier à tue-tête « Grand Remplacement! Grand Remplacement! », qui serait capable de diriger le pays ? C’est la blague de l’année. N’est pas Emmanuel Macron qui veut !

Enchaîner un homme, c’est déjà admettre, donc se résigner, qu’il trouvera, tôt ou tard, un moyen de s’échapper. C’est un principe imparable. A vouloir interdire à des citoyens de s’exprimer, au nom d’un passé, certes peu glorieux, mais tout de même révolu, on finit par fabriquer des résistants, des rebelles, des insoumis et enfin des révoltés. Soyons clairs, les rebuffades adressées à M. Dieudonné ont eu un effet inverse de celui escompté.

En tant que citoyen, je m’inquiète du climat pesant que prennent tous ces duels décomplexés ou l’on peut tout déballer de sa haine et de ses ressentiments. En effet, se profile, ici et là, une certaine animosité des Juifs, des Arabes et des Noirs. Les premiers crient haut et fort à l’antisémitisme, les seconds dénoncent une idéologie sioniste qu’ils jugent trop omniprésent en France, et les troisièmes voudraient bien que l’on reparle des périodes de l’esclavagisme, à des fins de règlements de comptes. Tout cela est malsain. Nous sommes en France, un pays laïc où toute dérive, d’un côté comme de l’autre, doit être immédiatement dénoncée.

A tous mes amis musulmans, j’aimerais signifier que le conflit du Proche-Orient ne doit pas être importé en France. Ce conflit qui dure depuis 1948, année de création de l’Etat d’Israël, ne trouvera de solution que dans la voie diplomatique et politique. A court ou moyen terme, deux Etats devront coexister avec des frontières sûres et reconnues pas la communauté internationale. Il n’y a pas d’autre issue à cette guerre qui n’a que trop duré. Laissons les diplomates et les responsables des deux parties travailler ensemble sur ce dossier brûlant, et ne leur compliquons pas la tâche.

A mes amis Juifs, je veux dire que l’exploitation d’un faux climat d’antisémitisme en France pourrait avoir des effets très pervers, principalement celui de monter les communautés les unes contre les autres. J’ai cru comprendre que le souci majeur des Juifs de France serait justement que l’on parle le moins possible d’eux ; cela est d’ailleurs tout à fait dans la tradition de cette communauté (que je connais bien). Alors, c’est peut être le moment de faire le dos rond, sans bien sûr se laisser insulter ou marcher sur les pieds, et d’attendre que le fleuve recouvre son cours tranquille.

A mes amis Chrétiens (et aux athées), je leur demande de n’avoir aucune crainte des musulmans de France. Ceux-ci, dans leur majorité écrasante, se conforment aux lois de la République et seront, pour l’Occident, un rempart contre l’intégrisme et le fanatisme religieux dont se servent les islamistes, minoritaires au sein du monde musulman, à des fins d’un djihad qui n’existe que dans leurs fantasmes. Les jeunes issus de famille musulmane sont intégrés à la société française et n’aspirent qu’à vivre en paix avec leurs concitoyens de toute confession, en respectant les Institutions de la Nation et les valeurs républicaines. Que vous dire de plus, sinon qu’il vous faut leur faire confiance afin qu’ils aient également confiance en vous.

Et pour revenir à M. Dieudonné, pourquoi ne pas le laisser s’exprimer, dire publiquement ce qu’il a sur le cœur ? Chacun pourra ensuite juger. Nous avons la chance de vivre en démocratie. C’est au nom des valeurs de cette démocratie que nous réussirons tous à vivre ensemble. Cela ne doit pas demeurer un vœu pieu. Priver de paroles un citoyen est contre les principes de la République et même contre la déclaration universelle des droits de l’homme. D’ailleurs, n’a-t-il pas, lui, souvent invité au dialogue même ses pires détracteurs ? Refuser de dialoguer avec un homme sous prétexte que ces idées seraient contraires aux siennes, cela revient tout simplement à dire qu’aucun dialogue ne serait plus possible. Voudrions-nous que la France devienne une nation où les citoyens ne se parlent plus ? Quel triste et terrible dessein que celui-là ! Je ne peux m’y résigner.

Et que pense le citoyen lambda français de confession musulmane du fait que Dieudonné est interdit de tout parce qu’il est accusé d’antisémitisme, alors que Zemmour continue de manière hebdomadaire à éructer sa haine de l’islam et des musulmans, appelant même les « Français de souche » (qui sont ces Français ?) à la guerre civile, sur toutes les chaines de télévision.

Elle est où la liberté d’expression ? Dans un camp et pas dans l’autre ? Je ne savais pas que la liberté d’expression appartenait à un camp bien défini.

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