Relations franco-algériennes difficiles et compliquées
Les relations franco-algériennes ont toujours été très difficiles. Il faut revenir aux sources, au temps d’un colonialisme sauvage, barbare et sanglant.
Des dizaines de milliers de combattants algériens s’étaient vaillamment battus contre l’Allemagne nazie. La victoire finale acquise et la France libérée des griffes des nazis, des intellectuels réclamaient, à juste titre, le même traitement pour tous les citoyens français, y compris ceux qui étaient administrés par le code de l’indigénat en Algérie, notamment par le double collège électoral (inégalité de voix lors des votes).
Et pourtant, le 8 mai 1945, alors que la France entière célébrait sa libération, l’armée française se rendait coupable d’une sanglante répression contre des centaines de milliers de manifestants algériens, rassemblés à Sétif, Guelma, Kerratta, venus demander à la France d’honorer ses engagements concernant une autodétermination pour l’Algérie. Il n’en fut rien. Premières prémices d’une guerre annoncée, cette répression du 8 mai 1945 avait fait des milliers de morts (les autorités algériennes parlent de 45.000 morts). L’événement fut évidemment minimisé en métropole ; celle-ci ne connaîtra jamais la vérité. Aucune enquête sérieuse ne sera ordonnée. Rien.
Conscients des inégalités, des iniquités et des injustices dont les populations indigènes étaient victimes, bien des intellectuels le firent savoir. Albert CAMUS, entre autres, (intellectuel humaniste né en Algérie) ira jusqu’à dire, après le déclenchement de l’insurrection : « l’Algérie est à conquérir une seconde fois ». Il s’agissait bien sûr de la reconquérir non par la force mais en y instaurant justice, équité et égalité. Albert CAMUS ajoutait : « les Arabes n’ont rien d’inférieur, si ce n’est leur condition sociale ».
La guerre qui s’ensuivit, déclenchée le 1er novembre 1954 (Toussaint rouge), conduisit le peuple algérien à rompre avec les chaînes du colonialisme et à accéder à une légitime indépendance. Cette guerre de libération fut, sans conteste, l’une des plus horribles et des plus meurtrières du XXe siècle. Le FLN avancera le chiffre d’un million et demi d’Algériens « martyrs » morts. Côté français, le chiffre officiel de 34.500 morts sera annoncé.
Après 132 années de présence sur le sol algérien, la France fut contrainte de quitter l’Algérie, au terme de 8 années de guerre sans merci. A la suite des accords d’Evian — signés le 18 mars 1962 à Évian-les-Bains —, l’Algérie proclamait, le 1er juillet 1962 — la date officielle retenue sera le 5 juillet 1962 en opposition à la prise d’Alger le 5 juillet 1830 —, officiellement son indépendance, suite à l’organisation d’un référendum sur l’autodétermination, largement remporté par le oui. Pour plus d’un million de pieds-noirs, de Juifs séfarades, ce fut le début d’un déchirant rapatriement vers la métropole.
Le peuple algérien, privé d’une émancipation socioculturelle et politique, pendant toute la période de sa colonisation (132 ans), demeurera, sans doute pour longtemps encore, meurtri, blessé, déchiré par cette longue et tragique période de son histoire. Faut-il rappeler qu’en 1962, année de l’indépendance, la population algérienne, estimée alors à 8 millions d’habitants, comptait un taux d’analphabétisme de plus de 95 %. Toute l’illustration, à travers ce taux incroyable mais vrai, d’une implacable politique coloniale ségrégationniste visant à occuper militairement un peuple et déniant à ce dernier le droit de s’instruire, de se cultiver et de participer à la vie sociale et politique du pays. Maintenir les autochtones, composés principalement d’Arabes et de Berbères, considérés d’ailleurs comme des sous-hommes, dans l’obscurantisme, telles étaient les préoccupations permanentes des autorités successives françaises présentes en Algérie.
Relations franco-algériennes actuelles. Aujourd’hui, des historiens et des hommes politiques, peu scrupuleux, tentent, en vain, de nous convaincre du rôle positif de la France dans ses anciennes colonies. Autant demander à un esclave qui vient d’être fouetté de vous parler des bienfaits des coups de fouet assénés par son maître et bourreau. Voici un exemple qui résume à lui seul les injustices dont souffraient les Algériens. Lors d’une élection, les indigènes, alors considérés comme des citoyens de seconde zone, n’avaient pas le droit de vote. Et s’ils étaient autorisés à voter, sous certaines conditions, l’expression même de leurs bulletins de vote n’était pas comptabilisée à égalité avec celle des « européens », puisqu’il fallait plusieurs voix « indigènes » pour une voix « européenne ». C’était ainsi que les colons conservaient le pouvoir ; exactement comme la politique d’apartheid qui sévissait également en Afrique du sud. Souvenons-nous de Nelson MANDELA qui a passé plus de 25 ans de sa vie en prison, uniquement parce qu’il avait osé affronter le pouvoir « blanc » en déclarant, à qui voulait l’entendre : 1 homme, 1 voix.
Aujourd’hui, l’Algérie, longtemps déracinée, à la recherche de son histoire et de son identité, troublée par cette dure colonisation, est enfin sur la voie de la paix et de la sérénité. Le défunt (et ancien Président) Abdelaziz Bouteflika est, en effet, parvenu, avec l’aide de l’ANP (Armée Nationale Populaire), à rétablir la paix civile en évitant au pays de basculer dans un intégrisme religieux aveugle qui eût été, à n’en pas douter, une descente aux enfers. La décennie noire des années 90 démontre que les Algériens luttaient déjà contre le terrorisme islamiste.
Des investisseurs étrangers s’implantent aujourd’hui logiquement en Algérie. A l’instar du sud de l’Espagne, la région d’Andalousie, l’Algérie aurait dû connaître un développement rapide si tout n’était pas concentré sur la rente du pétrole et si malheureusement la corruption n’avait pas gangréné le pays. Cependant, ses richesses en matières premières — les hydrocarbures (gaz et pétrole) — lui permettent un bel essor. Après tant de tragédies, tant de larmes, tant de sang versé, l’Algérie finira par enfin connaître ses heures de gloire.
L’Algérie commerce et coopère avec beaucoup de Nations : les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l’Italie, l’Espagne, etc. Seule la France n’est pas massivement représentée. Toujours et encore ce différend postcolonial. Quand un Président de la République française se décidera enfin à reconnaître les responsabilités morales de la France dans la guerre d’Algérie ?
Il ne s’agit nullement d’une repentance et d’un retour sur les horreurs et les massacres commis, il faut parvenir à surpasser ces drames, mais d’une manière générale d’assumer, côté français, les méfaits et les crimes dont furent victimes les Algériens ; crimes ordonnés au nom d’un système colonialiste inhumain. La France s’honorerait d’une telle attitude et cela permettrait enfin aux deux Pays de faire leur deuil. De douloureuses pages de l’histoire pourraient être tournées, réglant définitivement, du moins sur un plan historique, ce lourd contentieux. Et sans cette reconnaissance de la part des autorités françaises, les relations franco-algériennes seront toujours tendues.
Tant que la France refusera de voir son histoire en face, il subsistera un malaise profond entre les deux pays, car tout un peuple attend qu’on lui dise officiellement ce qu’il sait déjà, puisqu’il l’a vécu ou appris à l’école. Le colonialisme ne peut avoir eu un quelconque rôle positif pour les individus qui en ont souffert, et dont l’asservissement a fait d’eux des êtres « subconsciemment » soumis pour le restant de leur vie. Les Algériens ont été marqués au fer rouge du colonialisme et ils auront beaucoup de mal à oublier.
Au cours des émeutes urbaines survenues dans les banlieues françaises en novembre 2005, on ne pouvait s’empêcher de faire un parallèle entre cette politique coloniale menée en Algérie et la politique d’exclusion actuelle conduite dans ces zones périphériques paupérisées, abandonnées, où les jeunes issus de ces terribles ghettos sont considérés comme des citoyens de seconde zone. Encore et toujours ce prolongement direct d’une terrible guerre d’Algérie qui n’en finit pas de resurgir sur toute cette jeunesse née en France de parents algériens. Décidément, certains n’ont toujours pas digéré une défaite infligée par l’histoire, comme s’ils voulaient à tout prix remporter la seconde bataille d’Algérie, celle qui consisterait à prendre une revanche contre leur propre mémoire.
On peut falsifier l’histoire, mais jamais la mémoire ; l’histoire s’écrit, la mémoire se vit.
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