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Berliner Zeitung: «Le procès contre le fondateur de Wikileaks est politique»

Berliner Zeitung: «Le procès contre le fondateur de Wikileaks est politique»

Le jour qui scellera le sort de Julian Assange est arrivé. Le Berliner Zeitung explique comment ce processus inhabituel s’est produit et comment il pourrait se poursuivre. 

Le quotidien berlinois note que de nombreux jeunes peuvent ne pas connaître Julian Assange. «Ces dernières années, les principaux médias n’ont parlé que sporadiquement du journaliste d’investigation et la télévision n’a presque rien rapporté sur le sort du fondateur de l’agence de presse Wikileaks», constate Arnd Kempe, journaliste et militant pour la libération d’Assange. 

«L’asile du journaliste australien à l’ambassade d’Équateur à Londres de 2012 à 2019 remonte à cinq ans» ; «Pourquoi avait-il fui là-bas? Le 11 avril 2019, Assange a été enlevé à l’ambassade par des policiers britanniques. Pourquoi est-ce arrivé?»

«Depuis lors, de nombreux rapports font état de procédures d’extradition à Londres. Pourquoi les États-Unis veulent-ils son extradition?», lance-t-il, avant de questionner: «Et, pourquoi devrais-je me soucier du sort d’un journaliste détenu depuis près de cinq ans dans la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh, traité comme un terroriste?»; «Quelle est l’importance de l’issue de ce conflit, qui semble être un procès pour le public, pour la liberté de la presse et la liberté d’expression?» 

L’audience finale dans l’affaire d’extradition contre Assange. «L’audience finale dans l’affaire d’extradition contre le fondateur de Wikileaks a lieu devant deux juges de la Cour royale de justice de Londres les 20 et 21 février. C’est à la fois le point culminant et le point final d’une bataille qui se déroule sur le sol britannique depuis 2012 – et qui apparaît comme purement juridique. Si cette objection est rejetée, Julian Assange pourra être extradé vers les États-Unis dans les 24 heures», note Arnd Kempe, évoquant ce qui l’attend: «Là-bas, les États-Unis veulent inculper le journaliste australien devant un jury en Virginie de 17 chefs d’accusation de trahison de secrets d’État et d’un chef d’intrusion dans des systèmes informatiques et de le condamner à un total de 175 ans de prison – les peines pour chaque chef d’accusation sont tout simplement additionnés – devant un tribunal américain et condamné à une prison à sécurité maximale». 

Pour rappel: les documents publiés simultanément en 2010 par Wikileaks sur Internet et dans des médias comme le New York Times, le Guardian et le Spiegel concernaient des rapports originaux de l’armée américaine sur la guerre en Afghanistan (Afghan Warlogs) et en Irak (Iraq Warlogs), les règlements internes sur les processus dans la prison militaire de Guantanamo (Gitmo Files) et la communication interne entre les ambassades et les consulats américains avec le Département d’État américain (Cable Leaks). Cela concerne des dossiers sur les crimes de guerre et des informations sur le fonctionnement de l’appareil gouvernemental. Les documents ont été divulgués à Wikileaks via des canaux cryptés. «L’authenticité – et le caractère explosif – des documents ne font aucun doute à ce jour. Ce n’est pas sans raison que les États-Unis ont utilisé leur puissance politique et économique pour convaincre l’Équateur où Assange a obtenu l’asile de 2012 à 2019 dans son ambassade pour l’expulser», stipule le Berliner Zeitung. 

Une affaire judiciaire ordinaire? «Les hommes politiques, invités à commenter l’affaire Julian Assange, aiment souligner les procédures judiciaires en cours à Londres – comme s’il s’agissait d’un processus irréprochable, indépendant et quasi objectif»; «C’est-à-dire un processus qui conduit à un résultat compréhensible et équitable selon des règles transparentes», souligne Arnd Kempe. 

«Quelques semaines seulement après son entrée en fonction, les déclarations d’Annalena Baerbock sur l’affaire Assange ont fondamentalement changé. La défenseure du journaliste, qui avait fait campagne avec brio en faveur d’Assange et qui avait accusé le gouvernement de «lâcheté», est devenue une femme politique docile dont la justice britannique n’a plus à craindre les critiques», constate Telepolis. 

La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, qui s’était prononcée en faveur de la libération immédiate du journaliste australien avant les élections fédérales du 14 septembre 2022, a déclaré en réponse à une question parlementaire ce que le Tageszeitung a confirmé: «[Pour] le gouvernement fédéral, il n’y a aucune raison de compromettre l’Etat de droit de la procédure et de douter de l’approche de la justice britannique».  

En tant que candidate des Verts, Annalena Baerbock avait appelé à «la libération immédiate de Julian Assange» en septembre 2021. Mais, en tant que ministre des Affaires étrangères, elle a ignoré les demandes pendant des mois. France Inter a rappelé que Julian Assange a demandé en 2020 un rendez-vous à «Emmanuel Macron en vue d’une demande d’asile». «Le 5 septembre, la demande en ce sens de l’association Robin des Lois a été rejetée», annonçait Libération.

«Julian Assange a des critères de rattachement avec la France»; «Ceux-ci sont d’ordre professionnel puisque WikiLeaks a été hébergé pour partie en France, et puis des critères d’ordre privé, puisque Julian Assange a un enfant de nationalité française qui vit sur le sol français», avait fait valoir son avocat français Eric Dupond-Moretti. Alors que le président français, Emmanuel Macron, a célébré la mémoire d’Alexeï Navalny ou du défenseur des droits humains, Robert Badinter, il reste silencieux, comme Annalena Baerbock, ou comme Eric Dupond-Moretti, actuellement sur le cas Julian Assange. 

Le Berliner Zeitung cite le Premier ministre australien, Anthony Albanese, qui a déclaré à plusieurs reprises «Assez, c’est assez» concernant le traitement de son concitoyen. «Mais son ministère de la Justice n’a apparemment fait aucun effort pour libérer l’Australien. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a également refusé de traiter l’affaire Assange avant la conclusion de la procédure devant les tribunaux britanniques», s’indigne Arnd Kempe qui fait remarquer: «Toutefois, la procédure est tout sauf un processus normal. Un journaliste australien est détenu en vue d’être extradé depuis 2019 suite aux intrigues de quatre pays (États-Unis, Suède, l’Équateur et le Royaume-Uni)» ; «Des informations supplémentaires sur les organes judiciaires des États-Unis et les mesures extrajudiciaires prévues par les représentants de cet État n’augmentent pas la confiance dans un procès équitable selon les normes juridiques internationalement reconnues et dans des conditions de détention humaines de la part du plaignant». 

Le Berliner Zeitung, qui a traversé l’époque de la RDA et de la Stasi, se souvient que «l’accord de 2003 entre le Royaume-Uni et les États-Unis interdit l’extradition de personnes qui auraient le statut de prisonniers politiques dans le pays de destination» et clame que «ce serait le cas du journaliste australien aux Etats-Unis» car «les États-Unis, de leur côté, devraient violer leur propre constitution, plus précisément son premier amendement avec conviction – cela ne pourrait être justifié que par une nécessité politique». 

«La loi britannique sur l’extradition de 2003 contient dans l’article 81 l’exigence ultime selon laquelle chaque tribunal du monde non seulement considère la torture comme un crime, mais est également chargé d’entendre les rapports faisant état de torture et de faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que cela ne se reproduise. Cependant, le rapporteur spécial autrichien Melzer avait déjà documenté la torture. L’assurance de conditions de détention humaines aux États-Unis. La prison Supermax donnée par les représentants américains dans le cadre d’une procédure d’extradition ne vaut pas le papier sur lequel elle a été écrite», argue Arnd Kempe. 

«Ce qui est étonnant dans cette odyssée de 12 ans à travers l’asile de l’ambassade et l’isolement en prison, c’est que Julian Assange est toujours en vie. Bien entendu, son état de santé ne s’est pas amélioré depuis son diagnostic en 2019, les conditions restant inchangées. Un léger accident vasculaire cérébral a été diagnostiqué. Le 6 février dernier, la rapporteuse spéciale par intérim des Nations Unies sur la torture, Alice Jill Edwards, a appelé le gouvernement britannique à ne pas extrader le prisonnier vers les États-Unis. Car «il souffre d’un trouble dépressif persistant et récurrent et est suicidaire», conclut le Berliner Zeitung. 

Le quotidien berlinois fait un rapprochement avec les Pentagon Papers, un document traitant de la guerre du du Viêt Nam où le gouvernement américain avait obtenu via une cour fédérale une injonction interdisant au Times, puis au Post de continuer la publication des révélations. À la suite de l’appel interjeté dans chaque cas par les journaux mis en cause, la Cour suprême des États-Unis avait pris une décision commune aux deux affaires, qui a mis fin aux poursuites de l’État et a levé la censure fédérale. Aussi, l’incompréhension règne et inquiète sur le cas Julian Assange. Hier, la liberté de la presse était une garantie et les journalistes occidentaux étaient protégés en Occident. Cela n’est plus le cas dorénavant. Le procès contre le fondateur de Wikileaks est politique.

Pierre Duval

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